Sans surprise, dans l’Aube, les rendements dans les céréales à paille ne s’améliorent pas à mesure que la moisson avance. Le colza, dont les rendements ne dépassent pas la moyenne des cinq dernières années à 35 quintaux, ne rassure pas non plus.
«On n’a pas rentré grand-chose ». Les yeux fixés sur son agenda, Pierre Huszak, responsable commercial à la coopérative la Scara, à Arcis-sur-Aube, établit un bilan plutôt rapide de la semaine écoulée. Et pour cause. Il ne s’est presque rien passé. La pluie, le froid puis un nouvel orage en tout début de semaine, continuent d’interrompre les chantiers de récolte. Impossible de faucher plus de trois jours d’affilé. Les blés sont à peine entamés dans le nord de l’Aube. « On a reçu moins de 5% des surfaces », confirme la coopérative. Et il restait encore, mercredi, des parcelles de colzas à faucher.
Moyen dans les colzas
Avec des rendements « pas exceptionnels » de l’avis de Vivescia, à peine dans la moyenne des cinq ans. « On enregistre des rendements entre 25 et 40 quintaux », constate Stéphane Toury, chef produit collecte chez Vivescia. A Fresnay, Olivier Despeyroux n’a rien à redire côté rendement : « 35 quintaux dans les terres du Barrois c’est plutôt bien », atteste l’agriculteur. Ce qui l’inquiète davantage, c’est l’incertitude liée aux cours du colza, en chute libre ces derniers jours (lire encadré). Et la répétition des années atypiques. « Entre des temps très secs ou très humides, on passe d’un extrême à l’autre, ce qui complique sérieusement la vision à long terme de nos entreprises, que l’on soit céréalier ou éleveur », analyse l’exploitant agricole, qui au 14 juillet, avait à peine commencé à faucher ses blés.
Pas de miracle dans les blés
Pas de quoi être serein donc dans cette année qui ne fera pas date en termes de rendements dans les céréales à paille. « Ça traîne, les couleurs dans les champs, assez noirâtres ne nous rassurent pas, confirme la Scara. On n’attend pas de réelle bonne surprise dans les blés ».
Et les poids spécifiques des premiers hectares récoltés n’augurent rien de bon. « On est à 60-65 kg/hl, rien ne dépasse les 76 qui est la norme de commercialisation », observe Vivescia. Sans noircir un tableau déjà sombre, il n’y a pas de miracle à attendre non plus dans cette culture. La moisson prend du retard. Et commence à inquiéter. Car chaque nouvel épisode de pluie vient impacter le poids spécifique des blés matures, alors que les rendements s’annoncent déjà très hétérogènes du côté de la Scara. « Selon les variétés et les dates de semis, notamment ceux de début octobre, ça se passe moins bien », détaille Pierre Huszak.
En France, selon FranceAgriMer (lire page 7), le rendement moyen en blé serait de 69,9 quintaux par hectare : soit quatre quintaux de moins que l’année passée.
Emeline Durand
Le marché du colza déstabilisé par de fausses huiles usagées
C’est une situation qui fait bouillir les producteurs de colza. L’importation d’huiles usagées utilisées pour produire du biocarburant en France et en Europe perturbe l’industrie de toute la filière. Car aujourd’hui, 80% des huiles de cuisson usagées destinées à la production de biocarburant en France sont importées pour satisfaire une demande en constante croissance, boostée par la politique européenne. Pire encore, selon la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP), ces fameuses huiles provenant de Chine ou encore d’Indonésie – qui permettraient de produire trois millions de tonnes de biocarburants soit 20% de la consommation de l’Europe selon la fédération – ne seraient en réalité par du tout usagées mais de l’huile de palme classique, interdite dans une partie de l’Europe.
« Cette fraude déstabilise complètement le marché des biocarburants et les cours du colza qui entre dans leur composition, dénonce Olivier Despeyroux, administrateur à la FOP. On estime que ces fausses huiles de palme nous feraient perdre cent euros la tonne. Cent euros, c’est justement le montant dont on a manqué l’an dernier pour couvrir nos charges ». L’élu syndical, vice-président de la FDSEA de l’Aube, pointe une politique européenne à deux vitesses entre les restrictions imposées aux états membres et ces importations controversées. Sans parler de l’aberration environnementale que représente ces biocarburants transportés en bateaux cargo du bout du monde.
Le tout, dans un contexte où les rendements en colza ne sont pas au beau fixe et que les prix ont dévissé de 30% l’an dernier. Dans l’Aube, rappelle Olivier Despeyroux, « les gros faiseurs de colza sont dans le Barrois, une région qui ne peut pas compter sur des cultures comme la betterave ou la pomme de terre pour tirer son épingle du jeu ».