Si le terme « couteau-suisse » pouvait avoir un alter ego masculin, il pourrait résolument porter le nom d’Armelle Poupart. A Allibaudières, cette « agricultrice-mais-pas-que » cultive en plus de ses asperges, un goût certain pour l’entreprenariat multifacette.
Elle les surveille comme l’huile sur le feu. Chaque année alors que le printemps renaît, Armelle Poupart, agricultrice à Allibaudières, gestionnaire de portefeuilles agricoles à temps partiel, maman de trois jeunes enfants, mais aussi administratrice auprès de la Scara, enfile une casquette supplémentaire : celle de productrice d’asperges. Pendant deux mois, à l’heure où certains prennent le chemin de la machine à café ou celui de l’école, l’Auboise de 37 ans a déjà enfilé ses bottes pour aller récolter, à la main, les cinq tonnes de ce légume éphémère, star des repas de famille au printemps. A l’heure du coucher et de la vaisselle rangée, elle rempile souvent aussi pour préparer les commandes du lendemain. « L’asperge, ça ne dure que deux mois et c’est un produit qui se consomme le week-end. Entre avril et juin, cela demande minimum six jours de travail par semaine. C’est très intense », confie Armelle Poupart.
Trouver la main-d’oeuvre
Deux mois rythmés donc, auxquels l’exploitante, installée sur une ferme de 115 hectares et une dizaine de cultures, se plie pourtant sans rechigner. Il faut reconnaître que l’asperge est un produit relativement peu contraignant, culturalement parlant. « On plante pour dix ans, on butte une vingtaine de jours avant récolte et on broie après les gelées », approuve la trentenaire. Finalement le moins évident, le plus chronophage aussi, dans la réussite de cette diversification, choisie il y a douze ans, « c’est de trouver la main-d’œuvre pour la récolte », déplore Armelle Poupart.
C’est que l’hectare et demi d’asperges requiert la présence a minima de trois cueilleurs. Et bien malin celui qui saura deviner, combien se présenteront le matin au pied du champ. Armelle Poupart en a fait plusieurs fois les frais. « Certains laissent tomber au bout de la première journée… estimant que c’est trop dur… » Un discours qui a du mal à passer pour cette fille d’agriculteurs. Bosseuse, l’entrepreneuse n’hésite pas, elle, à relever les manches, malgré une cadence déjà bien soutenue.
Elle n’a pas le choix. L’asperge n’est pas un produit qui se fait attendre. Il faut trier, conditionner en botte d’un kilo, stocker… et se dégager du temps pour la vente. Les Asperges de l’Herbissonne, du nom de la rivière qui coule sous les fenêtres de la maison ayant autrefois appartenue à ses grands-parents, se vendent en direct, à la ferme, deux soirs par semaine et surtout, le vendredi et le samedi. En journées complètes.
Une histoire de famille
La boutique installée au sein de l’ancienne écurie, juste à côté de l’atelier, a été aménagée au goût de sa propriétaire. Autour des meubles chinés et du comptoir, des vestiges attestent ici d’anciens chapitres qui ont façonné la vie des lieux. Vendre aux clients, c’est la partie préférée de cette entrepreneuse multifacette qui n’a pas choisi cette culture tout à fait par hasard. « En 2012 quand je me suis installée, je sortais d’un stage effectué pendant mes études au lycée de Sainte-Maure chez un producteur d’asperges. Je voulais valoriser l’exploitation de mes parents. Je cherchais aussi une activité qui me permettrait de partager mon métier, d’être en contact avec les gens. Cette production demandait peu d’investissement de départ et, par le plus grand des hasards, mes beaux-parents avaient eux-mêmes produit des asperges et cherchaient à vendre leur ligne de tri. J’y ai vu une jolie histoire de famille », glisse Armelle Poupart.
Une histoire qu’elle continue de dérouler, embarquant dans son quotidien d’agricultrice mari et enfants, de la plus naturelle des manières : « ils aiment participer, donner les asperges aux clients, aider dans les champs », illustre Armelle Poupart. Une école de la vie pour laquelle la maîtresse des lieux se donne volontier sans compter.
© Emeline Durand