Ex-président du directoire du groupe Soufflet désormais, Jean-Michel Soufflet livre quelques impressions à chaud après avoir cédé le groupe nogentais à l’union de coopératives InVivo. Un discours en toute transparence pour celui qui regrette de ne pas avoir assez communiqué sur tout ce qu’a pu entreprendre son groupe, et notamment sur le plan environnemental.
La cession de 100 % des parts de votre groupe familial a été officialisée le 9 décembre dernier. Quels sentiments vous habitent au moment de partir ? Le monde d’après a commencé pour vous ?
Je ne suis plus salarié du Groupe. A partir de janvier, je louerai des bureaux à Provins pour régler diverses questions, juridiques entre autres, concernant la holding familiale tout en restant à la disposition de InVivo pour aider, selon que ses dirigeants trouveront utile ou pas de faire appel à moi. Avec Michel, mon père, nous jouerons le jeu s’il faut rendre service, évidemment. Aujourd’hui, je suis traversé par des sentiments contrastés. D’une part, parce que je suis content que les négociations menées aient pu aboutir et qu’elles permettent de pérenniser le Groupe. L’histoire continue ! Mais, bien sûr, j’éprouve beaucoup de nostalgie car, avec papa, nous avons construit quelque chose d’important, une belle entreprise et que nous nous sommes beaucoup investis pour la développer avec nos équipes. Nous laissons quelque chose derrière nous.
Le monde d’après commence aussi pour l’entreprise…
Les dirigeants d’InVivo entrent dans une période d’observation de nos différents métiers et savoir-faire. Ils n’ont pour l’heure qu’une connaissance disons livresque de qui nous sommes et de ce que nous faisons très concrètement au quotidien. Notre seul véritable métier en commun, c’est le négoce. Issu de notre groupe, Jean-François Lépy prend le lead de l’activité négoce réunie Soufflet-InVivo. Des synergies et de nouveaux outils vont être mis en œuvre (en Agriculture, BVP, Vignes…) et nous savons que les marques Soufflet vont demeurer. Il faut dire qu’elles sont plutôt bien connues et qu’il n’y a pas de raison de ne pas les exploiter.
Le jour même de l’opération de rachat de Soufflet par InVivo, ses dirigeants ont fait savoir qu’ils étaient entrés en discussions exclusives avec Avril pour la revente de la division Soufflet Alimentaire, connue notamment à travers sa marque Vivien Paille. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’était pas vraiment prévu… Je l’ai appris au moment du dessert lors du déjeuner post closing partagé avec Philippe Mangin, président de InVivo, et Thierry Blandinières, directeur général. Cela a constitué une surprise, je l’avoue. Passé le choc, sur le fond, je dois dire que cela fait sens puisqu’Avril veut se développer dans le domaine des protéines végétales. Qui plus est le bras financier d’Avril, Sofiprotéol détenait déjà 25 % de Soufflet Alimentaire. En outre, InVivo est également actionnaire d’Avril Pôle Végétal. Donc, ce n’est pas illogique. Et c’est sans doute mieux que de faire de l’essaimage à droite à gauche parmi les différentes activités de notre groupe dont les principales filières restent le blé et l’orge. Toutefois, sur la forme, je pense que c’est allé un peu vite.
Concernant la division BVP (boulangerie industrielle) du groupe Soufflet, issue du rachat de Neuhauser il y a sept ans, InVivo a indiqué se donner le temps de la réflexion autour du modèle économique. Quid de l’avenir ?
Un gros travail a été effectué dans ce domaine et nous l’avons porté en nous montrant patients. Nous avons mis en place une nouvelle équipe et bâti une stratégie de montée en gamme. Après fait beaucoup de sacrifices au sein du groupe pour soutenir cette activité, nous n’étions plus très loin du retournement. Je crois qu’il ne faut pas s’arrêter en cours de route. Il faut continuer de jouer la carte d’une filière complète. La destinée de la BVP est désormais entre les mains des équipes en place.
InVivo annonce vouloir mettre le paquet sur le malt, une des activités prédominantes de Soufflet… Devenir le numéro un mondial, c’est ambitieux ?
Pour mémoire, notre Groupe était le numéro deux mondial quand l’opportunité s’est présentée de reprendre l’activité malt de l’américain Cargill. Nous ne l’avons pas fait, et c’était un choix familial, parfaitement assumé. Nous estimions notre taille correcte (avec 2,3 millions de tonnes produites, soit près de 10 % du marché mondial) et nous n’avions pas pour projet d’être plus gros que le plus gros. Aujourd’hui, je souhaite à InVivo de réussir dans la mise en œuvre de son plan de développement. (CQFD : qui est, selon le directeur général Thierry Blandinières, de doubler la taille de Malteries Soufflet d’ici cinq ans). Face à la superpuissance des brasseurs, très concentrés, il faut se donner les moyens d’établir de nouvelles relations pour ne pas rester des sous-traitants, pour apporter de l’innovation.
© Propos recueillis par Philippe Schilde
Soufflet Alimentaire : vers un transfert au groupe Avril
Le groupe InVivo a annoncé avoir définitivement acquis le groupe Soufflet et être en négociation exclusive avec le groupe Avril pour lui transférer « la totalité de ses parts dans Soufflet Alimentaire (marque Vivien Paille) », spécialisée dans la transformation et le conditionnement des légumineuses, mélanges de graines et du riz. « Avec un chiffre d’affaires de près de 10 milliards d’euros et un effectif de 13 000 salariés, InVivo dispose désormais d’une taille critique qui le place parmi les premiers groupes européens agricoles », souligne le communiqué. Annoncé le 13 janvier dernier, le rapprochement entre Soufflet et InVivo avait franchi une nouvelle étape début mai avec l’annonce de la signature d’un accord. « Aujourd’hui l’opération est complètement réalisée et payée », a déclaré Thierry Blandinières, directeur général de InVivo. Ce groupe, présent dans 35 pays, devient le deuxième acteur de l’agroalimentaire en Europe derrière l’Allemand BayWa AG, basé à Munich.