Avec la sécheresse, le chanvre n’échappe pas non plus à une baisse de rendements. Malgré un marché pluriel et porteur, et des emblavements en hausse pour 2021, Benoît Savourat, président de la Chanvrière, préfère rester prudent.
Alors qu’elle touche à sa fin, la récolte de chanvre s’annonce, sans surprise très hétérogène. « C’est une année pas terrible », lâche Benoît Savourat, président de la coopérative La Chanvrière, qui regroupe 440 producteurs principalement dans l’Aube et ses départements limitrophes. Le chanvre ne fait pas exception : avec la sécheresse qui sévit depuis le printemps, et malgré la résistance de la plante au stress hydrique, les volumes sont, comme pour la plupart des cultures, en dessous des moyennes attendues. « Dans le chènevis, complète le responsable, cela va de moyen à décevant. A cause du manque de pluie, les prévisions annoncent quatre à cinq quintaux, là où la moyenne s’affiche d’habitude autour de dix quintaux ». Malgré la petite taille des graines, il faut noter cependant une bonne qualité notamment pour l’alimentation, marché auquel celle-ci est destinée.
La Chanvrière qualifie aussi de « petite année » la récolte de paille, toujours en cours. « La paille rouie, destinée à des utilisations textile, n’a pas roui », développe Benoît Savourat. Et si la paille a pu être pressée et rentrée dans de bonnes conditions, « on aurait préféré plus », admet le président de la Chanvrière. Pas de quoi s’inquiéter en revanche pour les emblavements 2021. Grâce à des marchés multiples et porteurs, le chanvre attise les convoitises. Conscient du potentiel de la plante, la Chanvrière, la plus grosse usine de production de France, s’est dotée en début d’année d’un nouvel outil plus performant, plus proche aussi de sa zone de production en Champagne crayeuse. Installée à Saint-Lyé, au nord de Troyes, l’usine flambant neuve remplacera définitivement le site de Bar-sur-Aube à la fin de l’année.
1 500 à 2 000 hectares de plus en 2021
Pour 2021, la Chanvrière annonce déjà une augmentation de 1 500 à 2 000 hectares supplémentaires sur les 9 600 récoltés cette année. Et si les producteurs historiques augmentent leurs emblavements, la coopérative ouvrira l’an prochain ses portes à dix nouveaux producteurs, principalement aubois. « On est sur un secteur privilégié reconnaît le président de la Chanvrière. Il y a dix ans, on cherchait des producteurs, aujourd’hui on a des demandes que l’on ne peut satisfaire ». La coopérative appelle cependant les agriculteurs intéressés à se faire connaître. « On répond cette année à ceux qui souhaitaient nous rejoindre il y a quatre ans. Mieux vaut faire une demande dès maintenant ».
En douceur
Car du côté des débouchés, « les marchés se tiennent, curieusement », observe Benoît Savourat. Et les perspectives sont plus qu’encourageantes. Utilisé dans des secteurs comme le bâtiment ou l’alimentaire, le chanvre se déploie de plus en plus dans les marchés de la cosmétique et du textile. Au prétexte de réduire son empreinte écologique, Levi’s multinationale spécialisée dans le jean, s’est d’ailleurs lancée l’an dernier dans la production de tissus à base de chanvre. « On est amené à se développer, mais on y va en douceur », prévient cependant Benoît Savourat, qui préfère jouer la carte de la prudence. Dans un secteur pourtant porteur, les semis 2021 ne seront mis sur le marché qu’en 2022. La Chanvrière admet, que dans le contexte actuel, il reste difficile de se projeter. Mais la coopérative a su mettre en place les outils nécessaires à sa montée en puissance. Alors qu’elle produisait sur son site historique de Bar-sur-Aube, plus de 50 000 tonnes de paille par an, elle est désormais en capacité d’en absorber le double.
© Emeline Durand
Le cluster du chanvre sur la bonne pente
Le développement de la culture du chanvre en Champagne est intimement lié à celui du Pôle Européen du Chanvre. Implanté dans l’Aube, ce dernier, né d’une volonté de faire émerger toute une économie au plus près de la production de chanvre, ambitionne de faire venir de grandes industries dans le département. Après une mise en route en début d’année, des groupes de travail doivent se réunir d’ici la fin du mois d’octobre pour étudier plus en détail les différentes filières – plasturgie, pharmaceutique, cosmétique, textile, bâtiment – qui pourraient prendre leurs quartiers sur place.