Nommé rapporteur du projet de loi sur les néonicotinoïdes, qui autoriserait leur utilisation sous certaines conditions dans les betteraves, le député aubois de la première circonscription LREM Grégory Besson Moreau rencontre vendredi 25 septembre tous les acteurs concernés.
Quel est l’enjeu de cette réunion qui réunit les acteurs favorables comme les opposants à ce projet de loi ?
Après l’examen du texte en commission des affaires économiques ce mercredi, le projet de loi reçoit des amendements. On doit réagir très vite avant la séance de vote à l’assemblée nationale qui aura lieu le 5 octobre. Entre ces deux dates, j’ai souhaité mettre tout le monde autour d’une même table pour recueillir les avis de chacun, que chacun me donne son avis sur le texte pour que je puisse orienter l’évolution du texte. Il est important que tout le monde ait la parole.
Ne pensez-vous pas mettre de l’huile sur le feu, en réunissant betteraviers, syndicats agricoles, industriels, apiculteurs, écologistes ?
Je ne pense pas que le monde agricole et les écologistes soient opposés. Il y a de la confrontation parce qu’il y a de l’incompréhension. Et il y a de la crainte des uns et des autres. Le monde agricole veut absolument aller vers la fin des pesticides parce que ça ne les amuse pas d’utiliser ce genre de produits. En revanche, on ne peut pas aller trop vite s’il n’y a pas d’alternative. Le jour où nous aurons de vraies alternatives, celles qui font que l’on obtient un rendement nécessaire, les agriculteurs se saisiront de cette opportunité pour évoluer. C’est ce que j’appelle la transition agro-écologique. Mais cela ne va pas prendre seulement quelques mois contrairement à ce que souhaiteraient des écologistes, parfois un peu radicalisés. Il faut laisser le temps, respecter la nature.
Vous portez ce projet de loi mais vous attendez qu’il soit voté sous certaines conditions. Lesquelles ?
Je souhaite en effet faire des amendements à ce texte. On doit commencer à travailler à des études d’impact. En 2016, quand on a interdit les néonicotinoïdes, cela n’a pas été fait. Il faut que l’on puisse, au niveau de l’Assemblée Nationale, vérifier que quand cette loi est votée, il n’y ait pas un impact trop structurant pour la filière. Deuxièmement, on ne peut pas demander à une filière d’aller vers une transition écologique forte sans qu’il y a ait un contrôle permanent du Gouvernement. Je souhaite un amendement permettant de créer un comité de suivi réunissant parlementaires, l’ensemble de la filière, industriels, planteurs, la recherche, les ONG, les syndicats tous les trois mois pour vérifier que tout avance dans le bon sens. Il faut essayer de créer du lien, que les gens puissent communiquer. Sans cela, vous avez un monde agricole qui se contracte et des écologistes qui se radicalisent.
En signant il y a quelques jours une pétition réclamant l’interdiction de ces néonicotinoïdes, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique ne vous facilite pas la tâche …
C’est pour cela que je veux porter un amendement qui obligera les administrations des ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture de figurer dans ce comité de suivi pour que ce dernier rende un avis, que cet avis soit public et qu’ensuite tout le monde se conforme à cet avis.
Rappelons que ce projet de loi prévoit une autorisation temporaire, jusqu’en 2023 et sous conditions des néonicotinoïdes. Quelles solutions pérennes seront nécessaires pour que la filière s’en sorte ?
On a augmenté de près de sept fois le budget qui y est alloué à la recherche sur la betterave : de 700 000 à cinq millions d’euros. La filière va mettre en œuvre aussi un plan d’actions pour expliquer ce qui va être fait et rassurer. N’oublions pas que la dérogation, reconductible chaque année, ne sera acceptée qu’à la condition que ce plan d’actions soit suivi de la part de la filière. Que cette dernière soit transparente dans les recherches et qu’elle explique exactement ce qu’elle fait.
© Propos recueillis par Emeline Durand
20 millions d’euros pour lutter contre la jaunisse
Pour remplacer l’utilisation des néonicotinoïdes, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), l’Institut technique de la betterave (ITB) et les semenciers s’associent afin de mettre au point un cocktail de solutions. Ce plan national de recherche et d’innovation a été présenté au ministre de l’Agriculture. Il repose sur trois initiatives : génétique, biocontrôle et agronomique. Doté d’un budget de 20 millions d’euros dont sept d’aides publiques, il mobilisera chaque année jusqu’à 1 000 hectares de terre. Les résultats seront accessibles et diffusés auprès des agriculteurs dès qu’ils auront été validés. Il y a urgence car le moratoire sur les néonicotinoïdes expirera dans trois ans. Or sans solutions alternatives, « la culture de betteraves sucrières pourrait tout bonnement disparaître et les sucreries fermer », a rappelé Franck Sander le président de la CGB.