Plante mellifère à cycle long, la luzerne dispose d’atouts favorables à la pollinisation. L’attrait pour cette culture amène de nombreux apiculteurs limitrophes de la région Champagne à transhumer leurs ruches à proximité des parcelles de luzerne.
La luzerne représente 300 000 hectares en France dont 65 000 hectares pour la déshydratation. « 80 % de la luzerne déshydratée sont produits en Champagne Ardennes, précise Denis Le Chatelier, consultant en communication pour La coopération agricole Luzerne de France. Cette concentration et la saisonnalité de la culture expliquent l’intérêt des apiculteurs pour notre région à une période où l’offre alimentaire pour les abeilles est réduite. »
Les ruches délocalisent en Champagne pour la luzerne
«Lorsque les conditions météorologiques sont favorables et que les abeilles sont en bonne santé, la luzerne permet de produire beaucoup de miel, explique Philippe Lecompte, apiculteur et président du Réseau Biodiversité pour les Abeilles RBA. C’est une spécificité régionale qui fait vivre l’apiculture locale mais également des producteurs d’autres régions périphériques. » Les syndicats apicoles estiment que 4000 à 5000 ruches par an sont rapprochées des 15000 ruchers marnais par transhumance. A ce jour, l’agriculteur et l’apiculteur ne sont pas soumis à réglementation. « La filière luzerne est proactive pour collaborer avec les apiculteurs et faciliter l’accès aux parcelles de luzerne, confie Denis Le Chatelier. Cette plante attire les apiculteurs de par sa ressource mellifère, abondante mais pas infinie. C’est dans ce contexte que Luzerne de France réfléchit à une régulation de la transhumance pour qu’un maximum d’apiculteurs profite des bienfaits de la luzerne sans perturber l’organisation locale. »
Avec les changements climatiques, la production de miel de luzerne augmente et devient une référence assez sûre pour l’apiculture. La pollinisation et la nectarification de la légumineuse interviennent après le pic de floraison des autres grandes cultures. « L’été, la dynamique de floraison régresse en grandes cultures. Ce n’est que lorsque le nectar vient à manquer sur les autres cultures que la transhumance vers les parcelles de luzerne se met en place. Grâce aux tournesols et à la luzerne, nous pouvons prolonger le travail des abeilles et augmenter notre production de miel », explique Philippe Lecompte.
Les bandes fleuries, un paradis pour la biodiversité
Depuis plusieurs années et à titre expérimental, la filière luzerne propose l’installation de bandes biodiversité en bordure des parcelles. « Aujourd’hui, 10 agriculteurs volontaires par usine ont répondu à l’appel de leur outil de production pour laisser une bande de fauche différenciée. La Champagne Ardenne compte 18 usines de déshydratation. Le nombre de bandes fleuries est donc assez significatif et visible. C’est un bon outil de communication et de démonstration », explique Denis Le Chatelier. Cette opération est bénéfique pour le binôme agriculteur apiculteur. « C’est une relation assez unique dans notre région. Nous ne connaissons pas de rapports malsains quoiqu’en disent les médias», dénonce Philippe Lecompte. Dans les bandes fleuries, les observations ont montré que le nombre d’abeilles avait doublé. Les conséquences directes sur la production de miel se sont avérées incontestables puisqu’elle a été multipliée par deux.
La luzerne profite aussi à la société
Outres ses vertus mellifères, la luzerne excelle avec ses atouts agronomiques et environnementaux. Son faible IFT (Indice de Fréquence de Traitement) agit indirectement sur la qualité de l’eau. Son système racinaire pivotant aide à la structuration du sol. Son rôle vis-à-vis du cycle de l’azote n’est plus à démontrer. Son bilan carbone est positif (étape de déshydratation comprise). « Pour toutes ces raisons, la profession, réunie autour de La coopération agricole Luzerne de France, revendique un PSE (Paiement pour Services Environnementaux) de 200 € / ha. Cet accompagnement financier s’avère nécessaire pour pérenniser la culture et tous ses bénéfices », reconnaît Denis Le Chatelier. La reconquête de l’autonomie protéique en France peut être aussi une façon de maintenir la culture de la luzerne. La profession est favorable à une augmentation de la production si cela permet de gagner 10 points d’autonomie de production de protéines végétales. La luzerne peut faire sa part pour fournir les élevages français.
© Julie Guichon
« Quand la luzerne donne, il n’y a pas de limite dans le nombre de ruches situées à proximité »
Guy Chambron, apiculteur sur 400 ruches et éleveurs de 700 colonies à Givry en Argonne (51)« Vers le 15 juillet, je transhume mes ruches le long des parcelles de luzerne. C’est un apport mellifère supplémentaire pour ma production. De plus, cette culture offre de la nourriture que les abeilles conservent au rucher pour l’hiver. Je collabore avec plusieurs agriculteurs. C’est un partenariat bénéfique. Les bandes fleuries sont une bonne façon d’avoir à disposition de la fleur en permanence. Le miel de luzerne est encore peu reconnu. Son goût spécifique, sa texture et sa couleur lui sont uniques. C’est un produit qui reste très localisé et typique à la Champagne. Avec les syndicats, nous souhaitons mieux le valoriser auprès des consommateurs français. »