« La crise va accélérer la résilience du monde agricole »

Pour Eric Gauthrin, directeur Aube et directeur des métiers du conseil à Cerfrance Champagne Nord Est Ile de France, les agriculteurs doivent saisir dans le contexte actuel l’opportunité de mettre en place de nouvelles stratégies.

Quel tableau dressez-vous du paysage agricole aubois ?

L’Aube est un secteur avec plusieurs régions naturelles. Le Barrois est en forte crise sans solution, en Champagne humide ce n’est pas mieux. La Champagne crayeuse pourrait aller mieux mais connait des problèmes sanitaires. Globalement depuis 2007, l’agriculture auboise est en situation dégradée.  Un agriculteur subit un à deux aléas climatiques chaque année, notamment la sécheresse, qui sont de plus en plus forts. L’élevage a connu de multiples crises. En plus des problèmes de météo, la crise sanitaire est venue fortement perturber les prix du marché.

De quelle manière le covid et la crise économique impactent-t-ils les exploitations du département ?

On a beaucoup de mal à se projeter. Avant Pâques, c’était une catastrophe pour la filière ovine pour qui globalement cela s’est finalement bien passé. Les céréaliers ont entretenu leurs champs, semé, fait leur travail et les marchés allaient dans tous les sens. Il faut faire confiance aux marchés et aux coopérateurs. Pour d’autres filières, cela a été plus compliqué notamment pour les agriculteurs ayant une activité commerciale et touristique comme les gîtes, les centres équestres. Cerfrance a beaucoup informé sur les primes et dispositifs à disposition. On a aussi mis à disposition un outil de chiffrage du manque de trésorerie post récolte 2020 qui va emmener les exploitants jusqu’en juin 2021.  On le fait depuis 2007, plusieurs centaines de nos clients l’utilisent déjà.

La crise va-t-elle selon vous accélérer la nécessité de résilience de la profession qui doit trouver d’autres pistes pour pouvoir continuer à vitre ?

Complètement. C’est ce qu’il se passe avec le dispositif Oser en Barrois et ce que l’on appelle Stratégies 2030. Jusqu’en 2016, on était dans une stratégie volume-prix. Il faut aujourd’hui accompagner l’agriculteur dans d’autres schémas, faire de l’adaptation du système en allant vers de l’agriculture bio ou de conservation, de l’agriculture contractuelle ou encore de la stratégie clientèle. On a vu avec le Covid le développement du circuit-court. La crise est une grande opportunité pour le monde agricole y compris dans les grandes plaines céréalières d’aller surfer sur d’autres modèles.  Chaque agriculteur doit se mobiliser en individuel ou en collectif pour développer son propre marché. Les magasins de producteurs ont tiré leur épingle du jeu pendant la crise, avec de belles initiatives, la mise en place de nouveaux outils de communication, de distribution.

Cette nouvelle façon de faire est-elle envisageable dans des zones comme le Barrois ?

Peu importe la région, il faut, je crois savoir utiliser son potentiel. Il y a des agriculteurs qui ont développé des pâtes à base de blé dur, d’autres du quinoa. Pour d’autres encore, la solution vient de la transformation énergétique. On a connu une vague avec l’éolien, des agriculteurs se regroupent pour créer des projets de méthanisation, le photovoltaïque arrive avec le projet mené par la FDSEA. Il y a sûrement des choses en faire en périphérie de Troyes avec le maraîchage urbain. Il y a une bonne entente des acteurs agricoles dans le département, cela permet de mettre de la synergie autour de ces projets. Le rôle de Cerfrance, c’est de montrer ces possibilités, les enjeux et d’aider le client à bâtir un projet qui lui corresponde.

L’accompagnement de Cerfrance va-t-il évoluer avec la période troublée que nous traversons ?

Le confinement a changé notre façon d’accompagner. Auparavant on proposait des demi-journées de prestation pour du conseil, de l’optimisation fiscale et sociale, faire du prévisionnel, réfléchir à de nouveaux projets. Désormais, on présente des bilans imagés en visio-conférence pour aller à l’essentiel.  Cela permet d’avoir une plus grande réactivité et que chacun gagne du temps. Cela permet aussi d’avoir pendant le rendez-vous le point de vue d’un fiscaliste ou d’un juriste qui ne se déplaçait pas systématiquement pour des rendez-vous. On a développé une autre relation, pas forcément en présentiel, mais paradoxalement on est encore plus proches de nos clients.

© Propos recueillis par Emeline Durand