Malgré le contexte, la campagne de luzerne a pu démarrer en milieu de semaine et « dans de bonnes conditions », assure Capdéa. Les voyants sont au vert mais la crise obligera peut-être la société à adapter sa stratégie centrée sur la diversification.
Il a passé quelques nuits agitées mais François-Xavier Moons, directeur de Capdéa peut être satisfait. La coopérative de déshydratation a fait le nécessaire pour que la campagne qui démarre cette semaine se déroule de façon tout à fait optimale. « En tant que secteur stratégique, il fallait qu’on soit prêt, assume le directeur. Si on prend du retard en luzerne, cela peut être dramatique. C’est comme si un silo était fermé le premier jour de la moisson. » Pour assurer le fonctionnement des trois usines du département à Aulnay, Assencières et Marigny-le-Châtel, la coopérative a redoublé d’efforts : d’un point de vue sanitaire déjà, pour sécuriser le travail des quelques 80 salariés permanents (120 pendant la campagne) et des transporteurs. Vestiaires, réfectoires, travail en binôme, attestations, « tout a été passé en revu et est conforme », indique le directeur qui a aussi conforté le redémarrage des sites. Malgré le contexte, « 92% des investissements prévus ont été mis en place, souligne François-Xavier Moons. Les entreprises ont joué le jeu. La partie maintenance et entretien, d’ordinaire prévue en mars, a pu être assurée. On a repoussé le renouvellement de quelques outils mais nous avons pu installer un groupe froid à Aulnay pour stabiliser nos productions et faire des économies d’énergie. Nous avons posé du calorifuge et récupéré nos consommables, de quoi être autonome pour au moins six mois. »
Un passage
Capdéa souligne aussi l’implication de ses partenaires transporteurs qui sont au rendez-vous de cette campagne depuis le milieu de la semaine. Des essais à vide ont été réalisés quelques jours auparavant pour s’assurer du redémarrage des lignes de production. Les premiers résultats à 4,2 de tonnes de matière sèche par hectare sont de bonne augure. François-Xavier Moons se dit serein. Avant crise, les voyants étaient au vert, promettant une belle campagne 2020 : l’ensemble des productions précédentes vendues, avec « de bons prix de vente », des silos vides, des volumes de production équivalents à ceux de l’an dernier (lire encadré) en luzerne, une hausse même pour l’œillette. Reste l’incertitude liée à la pandémie du coronavirus sur les prix. Comme tous les marchés de matières premières, Capdéa est dans l’expectative des besoins finaux des éleveurs qui seront sans doute ajustés au regard de la situation inédite d’un point de vue international. François-Xavier Moons, dont l’entreprise exporte 60% de sa production, en Europe mais aussi dans les Emirats-Arabes, au Maroc ou au Moyen-Orient, se veut optimiste : « en luzerne, on est habitué aux cycles de performance. Notre entreprise est saine, nous savons que c’est un passage ».
Le bio en développement
Pas de quoi, selon le directeur remettre en cause la politique de diversification et la stratégie de croissance que Capdéa s’est fixée. Alors que les pulpes déshydratées servent aux marchés de l’alimentation animale, humaine et à celui de la pharmacie – des produits majoritairement commercialisés par le groupe Desialis dont elle est actionnaire – elle poursuit deux créneaux d’investissement autour de la paille et du maïs épi. Démarrées il y a quatre ans, ces productions représentent aujourd’hui 3 500 tonnes. Autre cheval de bataille de la coopérative, qui déshydrate aussi des pulpes de betteraves, la luzerne bio : avec 850 hectares cette année, soit 11 % de la production totale, « c’est notre grand développement », conforte le directeur. La coopérative travaille aussi en étroite collaboration avec le tissu industriel et agroalimentaire local : marcs de raisins déshydratés, destinés à la pharmaceutique, marcs de pommes pour de la nourriture animale haut de gamme exportée en Europe du Nord, balles de luzerne pour les vaches laitières et les élevages performants, la société coopérative assoit aussi sa stratégie sur une valorisation quasi-totale des produits récoltés « dans le respect des adhérents et des clients », appuie François-Xavier Moons. Elle réfléchit également à alimenter la filière méthanisation, en plein essor dans l’Aube et la région.
© Emeline Durand
CHIFFRES CLES
- 155 000 tonnes récoltées en 2019
- 11 000 hectares de luzerne et oeillette
- 38 millions d’euros : le chiffre d’affaires 2019
- 80 salariés
- Près de 800 adhérents dont deux groupes sucriers Cristal Union et Sucrerie Nangis
- 80% de la luzerne française est produite sur le territoire de l’ex Champagne Ardenne