A la veille des fêtes de Pâques et face à un marché complètement déstructuré, le chef de culture du lycée agricole Saint-Pouange envisage déjà de changer ses pratiques post crise.
Il ne sera que peu impacté par la baisse des ventes d’agneau traditionnellement consommé pour les traditionnelles fêtes de Pâques à la fin de la semaine, mais Mickaël Floquet, n’en reste pas moins inquiet. Le responsable de la ferme du lycée agricole de Saint-Pouange, l’un des plus gros producteurs d’agneaux dans l’Aube, sait que l’après-crise sera difficile à gérer. « Les prix de l’agneau qui chutent avant Pâques, cela n’arrive jamais ». Un paradoxe pour celui qui n’a jamais connu un aussi bon début de campagne en 17 ans.
Face à cette situation sans précédent, la profession se voit contrainte d’ajuster ses pratiques : reporter les abatages d’agneaux quand c’est possible, et multiplier les opérations de communication. Durant toute la semaine, des campagnes de publicité avec des remises sur des gros volumes ont été organisées notamment pour la marque locale « Agneau de l’Aube » qui regroupe onze éleveurs ovins aubois. « Le lycée Saint-Pouange a réussi à vendre des agneaux en circuits-courts, au drive fermier au magasin de producteurs. Mais on n’est pas autant impacté que d’autres », souligne Mickaël Floquet. La semaine dernière, entre 700 et 1000 agneaux étaient prêts dans les différentes fermes auboises. Les nôtres seront à commercialiser plutôt fin avril début mai : 500 bêtes sont nés en janvier, 200 en mars. Tous ces volumes ne seront pas écoulés : on sait que cela va peser sur le marché. Pour le responsable de la ferme, il est en effet « compliqué de retarder un abattage au-delà d’une à deux semaines. L’agneau fait du gras et le prix de vente peut baisser jusqu’à 30%. »
Garder des femelles
Mickaël Floquet joue pour l’instant sur la quantité d’aliments, en réduisant l’encombrement. Un procédé qui selon lui, va permettre de « gagner » deux ou trois semaines. Mais après ?
« L’agneau est une viande familiale qui se consomme pendant les fêtes de Pâques, en grillades pendant les barbecues. Rien ne nous garantit que les ventes reprennent », expose l’éleveur, qui a déjà pensé à modifier sa pratique. « On va garder plus de femelles et mettre davantage de brebis dehors avec des périodes d’agnelage permettant de profitant de la pousse d’herbe pour réduire les coûts de production puisqu’on ne sait pas comment vont fluctuer les prix dans les mois à venir.» NI comment vont réagir les distributeurs. Jusqu’à présent, le lycée de Saint-Pouange commerciale en direct ses agneaux dans une quinzaine de points de ventes, principalement aubois.
© Emeline Durand
Pratiques frauduleuses dans les grandes surfaces
La Fédération Nationale Ovine (FNO) alerte sur les pratiques de certains hypermarchés qui valorisent l’agneau français alors que leurs rayons mettent en avant le prix très inférieur de ceux venus de Nouvelle-Zélande. Dans cette période de moindre consommation liée au confinement, qui restreint les fêtes de famille autour de Pâques, la branche professionnelle s’est accordée sur la nécessité de favoriser la production française. C’est ce qu’indiquent les éleveurs de moutons, rassemblés au sein de la Fédération Nationale Ovine dans un communiqué, le 6 avril. S’ils saluent les enseignes de la grande distribution qui se sont engagées en faveur de la production française, « ils dénoncent le scandale provoqué par celles qui ont mis en priorité l’écoulement de leur stock d’agneaux d’importation accentuant ainsi la situation délétère des éleveurs français. Selon la FNO, « la grande distribution révèle des situations très contrastées. Certaines enseignes jouent le jeu, elles mettent effectivement en avant l’agneau français en cohérence avec la campagne de communication. D’autres, au contraire, ont des pratiques frauduleuses. Elles profitent des moyens mis en œuvre pour valoriser l’agneau français et proposent en réalité dans les rayons de leurs établissements de l’agneau néozélandais vendu 2,5 fois moins cher que l’agneau français. En cette période où les consommateurs redécouvrent l’importance des filières locales de production pour assurer leur alimentation, ce choix s’inscrit à contre-courant de toute solidarité nationale », déplorent les éleveurs.