Agriculteurs, concessionnaires, producteurs, coopératives adaptent leur quotidien dans un contexte de crise sanitaire jamais vu. Si certaines activités sont fortement réduites, voire à l’arrêt dans l’Aube, l’épidémie profite à certains secteurs.

Pommes de terre : la valse des camions

A Aulnay, la valse des camions n’en finit pas chez Didier Mauclaire, producteur de pommes de terre et d’oignons. Depuis le début de la crise, une cinquantaine de poids lourds français, mais aussi italiens, espagnols, viennent s’approvisionner en moyenne chaque semaine. « C’est le paradoxe de cette situation, constate l’agriculteur, qui alimente quasiment exclusivement la grande distribution : on est impacté favorablement parce que la demande de produits est énorme, en Italie comme en France. Les gens achètent plus, par peur de manquer, ils font des stocks. Mais ils ont aussi plus de temps pour cuisiner des produits transformés comme la pomme de terre. Les marchandises n’étant pas bloquées en Europe, les approvisionnements peuvent se poursuivre. Et on assiste chaque jour à un flux continu de camions ». Une bonne nouvelle pour l’exploitant agricole qui exporte 70% de ses 10 000 tonnes de pommes de terre produites chaque année, à l’étranger. Vendus eux, à une coopérative redistribuant sur le marché français à 90%, les oignons qu’il produit sont aussi très demandés. A quelques jours de démarrer la plantation de 250 hectares de pommes de terre, le plus compliqué, « c’est finalement le quotidien », concède Didier Mauclaire. Désinfecter les poignées, les volants de tracteurs, limiter les aller et venues sur la ferme, pour planter dans les temps, il faudra aussi que le matériel, et les éventuelles réparations suivent.

Vivescia : activité maintenue, conditions sanitaires renforcées

La collecte, les enlèvements à la ferme et les livraisons dans les silos sont maintenus. Le travail continue du côté des associés coopérateurs du groupe coopératif agricole et agroalimentaire Vivescia.  « Pour le moment, indique le groupe, nous nous sommes organisés pour répondre aux attentes des agriculteurs et qu’il n’y ait aucune incidence sur leur activité ». L’essentiel des activités est maintenu et fonctionne donc dans des conditions sanitaires renforcées, pour concilier mesures de prévention de lutte contre le coronavirus et qualité de service. Plusieurs points de situation ont bien entendu été réalisés auprès des associés-coopérateurs et des messages leur ont été adressés, en direct, pour leur faire part des règles à respecter pour le suivi des activités. « Nous avons la nécessité de continuer nos activités et nos services pour les entreprises agricoles que nous accompagnions, poursuit Vivescia, mais nous avons aussi l’obligation de garantir la santé de nos collaborateurs et celle des agriculteurs ». En plus des gestes barrières désormais bien identifiés et applicables par tous, (collaborateurs, agriculteurs, prestataires…), les silos ont adapté les modes d’enlèvement et de réception des récoltes. Pour limiter tout risque de contact, les agriculteurs doivent rester dans leur véhicule durant la totalité de l’opération. Le contact téléphonique avec le technico-commercial Vivescia est privilégié. Les réunions techniques individuelles et collectives sont suspendues. Les observations des cultures et conseils hebdomadaires sont disponibles sur l’extranet dédié aux agriculteurs. Les tours de plaine se réaliseront désormais de façon individuelle et sans contact avec les agriculteurs. Ce qui signifie qu’en cas d’interrogation, « nous leur demandons d’indiquer la ou les parcelles à visiter pour que le technicien puisse faire un diagnostic. A l’issue de ce constat, il leur donnera un conseil par téléphone ».

Encore du stock pour l’approvisionnement

La collecte, les enlèvements à la ferme et les livraisons dans les silos sont maintenus. Côté approvisionnement, la coopérative assure posséder les stocks nécessaires pour couvrir les besoins en intrants du moment. Les agriculteurs sont invités, dans la mesure du possible, à n’enlever que les quantités nécessaires pour les travaux actuels dans les champs. Vivescia leur demande de ne pas anticiper les besoins futurs qui risquent de perturber les réapprovisionnements du moment et l’organisation logistique.

© EMELINE DURAND

 

L’agroalimentaire s’inquiète d’une rupture de co-produits

L’épidémie n’épargne pas le secteur de l’agroalimentaire. Si les entreprises approvisionnant en produits de première nécessité comme les pâtes ou le sucre ont vu leur volume augmenter de 25 voire 50%, d’autres pourraient bientôt se retrouver contraintes de fermer. « Les clients ne sont tout simplement plus au rendez-vous, l’activité étant essentiellement tournée vers la restauration, désormais fermée, argumente Angélique Guilleminot, présidente de l’ARIA Grand Est et du club I3A, association des industries agroalimentaires. Et si les matières premières sont encore disponibles, des entreprises ont été forcées de mettre une partie de leurs équipes au chômage technique, faute d’activité suffisante. On s’est organisé, on peut bénéficier d’aides, de reports de charges et des échéances de prêts pour sécuriser la trésorerie », positive Angélique Guilleminot. Mais ce qui inquiète la chef d’entreprise, et qui pourrait rapidement poser problème, ce sont les ruptures de co-produits. « Des traiteurs par exemple pourraient bientôt manquer de gaz permettant l’emballage et la conservation des produits. Des abattoirs pourraient fermer, ce qui nous obligerait à arrêter notre production ».

« On a perdu 100 000 € de chiffre d’affaires en une journée »

Si la partie boutique continue de fonctionner a minima, avec du chômage technique partiel pour ses salariés, l’entreprise Guilleminot accuse le coup : « avec le confinement et l’arrêt de tous les évènements professionnels et privés pour l’instant jusqu’à fin mai, l’activité traiteur s’est arrêtée du jour au lendemain : on a perdu 100 000 euros de commandes dans la journée », constate Angélique Guilleminot, directrice avec son mari de l’entreprise familiale briennoise de 25 salariés. Pour le mois de mars, elle devrait perdre 50% de son chiffre d’affaires. Car, malgré les livraisons à domicile et gratuites et personnalisées, mises en place depuis le confinement, la vente directe au consommateur a énormément baissé aussi. Marchés hebdomadaires annulés, une clientèle rurale qui respecte le confinement et se rend moins souvent au magasin, Guilleminot a mis son personnel au chômage technique à mi-temps et réduit les horaires d’ouverture de ses deux magasins, à Brienne et Troyes. « Tout a été fait pour consolider notre trésorerie, les salaires du mois de mars seront assurés. Il faudra voir ce qu’il se passe après la crise », indique Angélique Guilleminot.  © ED

 

Les abattoirs poursuivent leurs prestations
La section viande de la FRSEA Grand Est alerte sur la « guerre des fake news » qui sévit actuellement dans le contexte de crise et qui n’épargne pas le secteur agricole. Contrairement à des rumeurs insistantes, les abattoirs poursuivent leurs activités en termes de prestations de services. Les animaux des éleveurs qui le souhaitent seront donc pris en charge. Il leur suffit de prendre contact avec leur établissement habituel pour qu’un créneau leur soit attribué.