Face à l’évolution de la société, la FDSEA de l’Aube se donne les moyens d’accompagner l’agriculture dans ses nouveaux défis.
Quel bilan faites-vous de l’année 2019 ?
L’agriculture a connu des conditions climatiques semblables à 2018 qui ont pénalisé le département. Ces incidents à répétition font que les revenus des exploitations sont de plus en plus bas dans un contexte de marché où les prix n’y sont pas non plus. Face à cette situation, la FDSEA continue de faire ce qu’elle a toujours fait, à travers la cellule Réagir. Notre rôle est d’être aux côtés du plus grand nombre d’adhérents pour détecter les situations financières ou humaines compliquées et aider les exploitants à surmonter ces mauvais moments.
Quelles ont été les grandes victoires ?
Je ne citerai que quelques exemples. La plus grande victoire, on vient de l’obtenir avec une trentaine d’agriculteurs qui ont commencé à recevoir juste avant Noël des versements suite aux inondations 2018. Au total, nous avons obtenu 412 000 euros dans l’Aube. C’est un dossier de longue haleine. C’est une très bonne nouvelle pour nos agriculteurs qui ont touché ente 7 000 à 15 000 euros. J’ai reçu pendant la trêve de Noël des messages d’hommes et de femmes heureux de ce cadeau inespéré. Il y a eu aussi 150 000 euros de versés au titre des calamités agricoles pour les éleveurs touchés par la sécheresse de 2018. C’est un juste retour des choses. Là aussi, ce fut un travail de lobbying auprès des services de l’Etat. Autre avancée importante pour les employeurs de main-d’œuvre du département qui sont nombreux, la semaine de 72 heures au lieu de 60 en pleine saison et sept semaines à 60 heures : quand on est employeur, on sait ce que cela représente. N’oublions pas non plus que l’agriculture est le seul secteur d’activité à avoir obtenu, grâce au réseau FNSEA, la détaxation partielle du GNR.
Les motifs de revendications sont nombreux et l’agriculture confrontée à une grande mutation. Quels sont les défis pour 2020 ?
Ils sont nombreux. N’en citer que quelques-uns est périlleux car pour chaque agriculteur, le sujet a plus ou moins d’importance. Pour nous, à la FDSEA, tout est au même niveau d’importance. Nous souhaitons être offensifs pour permettre aux agriculteurs de regagner de la valeur. Force est de constater que nous mettons notre énergie tous les jours pour éviter d’en perdre : je pense que le gouvernement ne comprend pas son agriculture et ses agriculteurs. Nous assistons chaque jour à une succession de loi où mesures réglementaires incohérentes avec les réalités de marché. La France n’a plus de grands projets agricoles et les autres pays du monde nous regardent avec un petit sourire en coin. Les peurs dictent les conduites de nos élus politiques. Nous en faisons le constat. Mais il y a tout de même des limites à ne pas franchir. On a mis un mot sur des actes intolérables, souvent violent physiquement et moralement à l’encontre des agriculteurs : l’agribashing. Nous sommes arrivés à un point de non-retour et le Gouvernement actuel a sa part de responsabilité en attisant les haines entre les citoyens. ZNT et glyphosate, je les cite ensemble de manière volontaire, sont le parfait exemple où il s’est dit tout et surtout n’importe quoi sans se soucier des conséquences. Comment expliquer qu’on nous impose des distances avec les habitations et que, en même temps, chaque citoyen français peut utiliser chez lui, dans sa propre maison, des produits du quotidien avec des matières actives interdites en agriculture. Le dogme a assez duré. Nous ne tendrons plus l’autre joue…
Il y aussi d’autres sujets ont leur importance
Les dégâts de sangliers dans le barrois, l’invasion du loup qui menace nos systèmes d’élevage, la consommation déraisonnée de foncier, la rentabilité économique en zone inondable, garder une activité agricole sur le territoire de la bassée comme dans les zones de captage, la mise en place de la nouvelle convention collective polyculture-élevage, créer du lien avec les citoyens pour expliquer notre métier…
A l’heure où les FDSEA voient leur nombre d’adhérents diminuer, comment faire pour donner envie de rejoindre l’organisation syndicale ?
C’est aussi un défi. Nous engageons notre mutation depuis trois ans sur la base de nos valeurs. Les attentes des nouvelles générations d’agriculteurs et d’agricultrices ne sont pas les mêmes que leurs aînés. Néanmoins, ils ont un point commun : le collectif. Sachons écouter et répondre aux besoins. Notre réseau et notre maillage territorial sont des atouts qu’il faut renforcer. Je voudrais saluer le travail des élus et de l’équipe de collaborateurs de la FDSEA. J’ai la chance de pouvoir compter sur des gens pleinement impliqués. Le syndicalisme par procuration existe de moins en moins. Les jeunes qui cotisent veulent s’engager pleinement et pas uniquement de manière historique, c’est-à-dire en étant présent physiquement à une réunion. Un avis sur un groupe Whatsapp est une forme d’engagement. Les technologies de communications sont complémentaires aux échanges humains et doivent nous servir à être encore plus en proximité les uns avec les autres. Il faut favoriser l’intelligence collective.
Comment encourager cette dynamique ?
La FDSEA de l’Aube engage un nouveau projet stratégique en 2020 : ce dernier sera co-construit directement avec les adhérents. Nos assemblées locales qui vont prochainement débuter seront une première étape. Il faut savoir que nos nombreuses rencontres « en tête à tête » avec des agriculteurs adhérents et non adhérents, ces trois dernières années, nous a permis d’avancer plus rapidement et d’orienter notre accompagnement de proximité. Depuis quelques semaines, nous structurons une offre gratuite, pour les adhérents, d’accompagnement collectif et d’émergence de projets. Trois sujets sont identifiés pour le moment : les bâtiments photovoltaïques, l’apiculture, l’agriculture en zone de vallée.
D’après vous, la FDSEA doit faire prendre conscience de l’impérative nécessité d’évoluer ?
Il y a le contexte autour de chacun de nous, l’environnement dans lequel chacun est. Il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous et oser. Osons, pour cette nouvelle année 2020, regarder le contexte agricole d’un autre œil, changer d’angle. Il nous faut nous donner les moyens de penser autrement, nous remettre en cause face à la demande sociétale et à l’effondrement d’un grand nombre de marchés dans nos filières. Posons-nous et retrouvons la plus-value que l’on pourrait développer sur nos fermes de différentes façons. Osons et faisons-le !
© Propos recueillis par Emeline Durand