Pour sortir par le haut de la situation qui oppose grande distribution et fournisseurs, Grégory Besson-Moreau, député (LREM) de la première circonscription de l’Aube, pense qu’il faut restaurer la confiance. Voire l’imposer.
Vous êtes le rapporteur d’une vaste enquête sur les pratiques de la grande distribution avec ses fournisseurs, voté à l’unanimité fin septembre : que va-t-il se passer maintenant ?
Les chambres d’agriculture, syndicats, représentants des industriels de l’agroalimentaire et non alimentaire, les ministères concernés ont reçu le rapport pour une lecture plus approfondie. L’objectif c’est de laisser le temps de digérer et voir comment les différentes propositions sont intégrables ou pas, réglementaires. Chacun analyse de son côté. D’ici le 15 novembre, j’aurais rencontré les différents acteurs, industriels, représentants agricoles, de la grande distribution, pour expliquer ce qu’il y a dans ce rapport. Et en même temps, j’ai rendez-vous avec les pouvoirs publics pour qu’ils puissent agir. Nous avons fait passer l’une des propositions de justesse dans le Projet de Loi de Finances 2020 pour augmenter les frais du médiateur des relations agricoles et industrielles, indispensable pour moi pour trouver un terrain d’entente à l’instant T.
Dans vos conclusions, vous dites que chaque acteur doit prendre ses responsabilités. Comment ?
Chacun doit faire un peu le ménage chez soi, y compris les agriculteurs. Certaines filières restent campées sur des postures qui ne sont pas les bonnes. La filière viande bovine ne fonctionne pas bien, la filière lait manque de confiance en elle dans sa relation avec ses propres clients. L’industrie agro-alimentaire doit être plus transparente, la grande distribution doit être capable d’expliquer ses hausses de prix nécessaires, quand les coûts des matières premières augmentent. Nous, les pouvoirs publics devons mieux contrôler la distribution…et créer de la confiance. La grande distribution prend aujourd’hui des pénalités de retard, injustes et non justifiées : on doit travailler sur comment les limiter. Elle vit aujourd’hui avec des services facturés par des centrales de service. Et fonctionne avec des marges arrière. Il faut que cela s’arrête.
Ça, c’est le problème des GMS : pourquoi serait-ce à l’agriculteur de payer ?
Je ne dis pas que c’est à lui de payer. L’industriel doit être transparent vis-à-vis de l’agriculteur. Le combat mené par monde agricole à l’encontre des pouvoirs publics n’est pas la bonne méthode. La cause du problème, c’est une guerre des prix. Dans une telle situation, il faut que les trois acteurs agriculteurs, industriels et grande distribution soient capables de se mettre autour d’une table avec des process permettant de faire augmenter les prix en fonction du coût des matières premières. Il faut utiliser l’indicateur des coûts de production mis en place par la loi Egalim. Tout passera par les GMS. Si la GMS cède, l’industriel cèdera et le monde agricole cèdera aussi. Les groupes Intermarché et Système U s’y mettent déjà : ils s’engagent à ne pas signer de références en déflation sur 2020 auprès de toutes les PME. C’est un bon début. La grande distribution doit trouver une solution pour repousser cette inflation, côté consommateur.
Sur le papier ça paraît simple. Dans les faits, les syndicats mènent actuellement des actions dans les grandes surfaces pour vérifier l’origine et le prix des produits. Comment se mettre d’accord ?
Ces actions sont une bonne chose : il faut que la grande distribution s’explique sur ses pratiques. La difficulté, c’est que ces deux mondes n’ont pas à la base pas à communiquer ensemble. Pour se mettre d’accord, il faut réinstaurer de la confiance. On doit imposer la confiance. Les patrons de la grande distribution sont prêts à faire monter les prix si nécessaire. Mais il faut que tout le monde le fasse.
Les chambres d’agriculture ne verront finalement pas leur budget amputé dans le prochain projet de loi de finances 2020 ? Une bonne nouvelle pour la profession ?
J’ai fait partie de la levée de boucliers des parlementaires de la majorité qui souhaitaient faire baisser ce budget. On ne peut pas demander au monde agricole de révolutionner leurs pratiques, de faire des efforts si en plus on s’amuse à baisser leurs budgets. Les chambres d’agriculture doivent revoir leur façon de dépenser l’argent de manière plus performante. Mais pas tout de suite : le monde agricole a besoin d’une pause.
Propos recueillis par Emeline Durand