Cédric Jacquard, enseignant et chercheur à l’Université de Reims, rappelle qu’il s’agit d’une démarche de protection des plantes cultivées combinant toutes les techniques disponibles issues de contrôle biologique des ravageurs ou des facteurs de l’environnement générant des stress ( biotiques pour les ravageurs et abiotiques pour les conditions climatiques difficiles). Il s’appuie sur la mise en œuvre de 4 types d’agents : macro-organismes invertébrés, micro-organismes, médiateurs chimiques (phéromones) et substances naturelles (secrétions, végétales, minérales).
Dans la lutte contre les maladies des plantes deux technologies sont utilisées : l’élicitation, utilisant des molécules stimulatrices des défenses, et la lutte biologique utilisant des micro-organismes pour conférer à la plante un certain niveau de protection. Tout en sachant, souligne le chercheur, qu’en matière de lutte biologique le transfert du laboratoire au champ peut s’accompagner d’une forte perte d’efficacité ou d’un effet négatif global en raison des interrelations entre la plante, le sol, le climat (accrues par le changement climatique) et d’autres éléments de l’environnement avec l’agent apporté ( bactéries) : « nous avons encore beaucoup de travail à réaliser. Cependant nous travaillons par exemple la voie de l’enrobage de graine pour faciliter la colonisation par l’agent de bio contrôle. »
De grandes différences d’efficacité entre le laboratoire et le champ
Concernant l’élicitation, il est utilisé des molécules, issues de secrétions, de fragments de plantes, etc., favorisant différents systèmes de réponses de la plante aux pathogènes. Par exemple, Cédric Jacquard cite l’utilisation d’un agent conduisant à l’épaississement des parois des cellules de l’orge à proximité de la zone contaminée par l’helminthosporiose. Mais là aussi beaucoup de chemin reste à faire dans le transfert du laboratoire au terrain, car de grandes différences d’efficacité sont constatées, notamment dues à l’état physiologique de la plante. Cela suppose de définir un protocole d’application très précis: quelle dose, quelle fréquence et surtout quelle formulation pour assurer une bonne pénétration au niveau de la plante? S’ajoute à cette complication le fait que les éliciteurs ne peuvent être utilisés que dans une action prévention, que chaque éliciteur est spécifique d’un pathogène, que la stimulation des défenses de la plante s’accompagne d’une dépense d’énergie que la culture doit pouvoir supporter et qu’il y a beaucoup de produits éliciteurs mais que peu sont réellement efficaces contre les maladies. Cédric Jacquard préconise « il est nécessaire d’améliorer le criblage des molécules efficaces et surtout de rechercher des marqueurs de protection. »
Des souches de bactéries et des molécules
En faisant le point sur les travaux de de recherche, Cédric Jacquard précise qu’une famille de molécules a été identifiée, les lipopeptines, et qu’elle comprend 3 catégories dont une (les surfactines) permet de mieux coloniser la plante et les deux autres ont une action directe sur le champignon pathogène avec l’ensemble des 3 catégories qui ont un effet positif sur la stimulation de la défense des plantes. Ces lipopeptines ont aussi une éco-toxicité de 1000 à 10 000 fois plus faible que les pesticides chimiques, elles sont biodégradables, ce qui incite à poursuivre les travaux pour augmenter l’efficacité de cet agent de lutte biologique tout en réduisant la dose utilisée. Un projet concernant la fusariose des épis de blé (productrices de mycotoxine), à laquelle très peu de variétés sont résistantes, a visé à identifier des molécules (mico-organismes endophytes) pouvant être utilisées dans le cadre d’une lutte biologique par biocontrôle : 3 espèces et 6 souches apportant une protection significative ont été identifiées dans le cadre d’un programme de recherche réalisé avec le Groupe Soufflet. Ce programme a permis de mettre au point un système de criblage à grand échelle pour identifier des molécules à activité antifongique et/ou inductrices de résistances. L’expérimentation au champ sera la prochaine étape, comme pour d’autres programmes qui ne peuvent parfois être poursuivis en France du fait de l’utilisation d’OGM… Et d’une manière générale Cédric Jacquard souligne points à prendre en compte : les produits de biocontrôle ne sont pour l’heure pas prêts d’assurer une protection aussi efficace que les produits de synthèse, excepté parfois en année optimale ; ils ne peuvent souvent pas être associés à des produits chimiques, qui peuvent détruire les micro-organismes ; c’est pourquoi la recherche s’oriente vers des produits pouvant agir en complément des produits utilisés actuellement. ©F.NOEL