Pour les céréales à paille ou la betterave, les producteurs manquent d’alternatives aux néonicotinoïdes. Des produits largement utilisés en traitements de semences : 60 % en orge d’hiver, 30 % en blé d’hiver et même 99 % en betterave. Leur interdiction signifie d’importantes pertes de rendement.
L’AGPB (producteurs de blé) chiffre l’impact de la suppression des néonicotinoïdes à 500 M€/an pour les producteurs français (céréales : 300 M€ ; oléagineux et betteraves : 200 M€). Cela représente une charge supplémentaire de 17 à 27 €/ha en céréales à paille. D’après ses chiffres, les semences traitées aux néonicotinoïdes concernent environ 60 % de l’orge d’hiver, 30 % du blé d’hiver. Arvalis fait valoir ses essais entre 2000 et 2015 montrant pour l’orge un écart de rendement de 5 % en moyenne au bénéfice de l’imidaclopride en traitement de semence par rapport
à la meilleure alternative insecticide en végétation. Pour le blé tendre, l’écart atteint 6 %. Et Arvalis de conclure qu’à court terme « il n’y a pas de solution alternative » aux néonicotinoïdes avec la même efficacité pour lutter contre les virus responsables de la jaunisse nanisante de l’orge, de la maladie des pieds chétifs, dont la nuisibilité varie de 5 à 100 % du rendement.
Des pucerons résistants aux anciens traitements
Selon l’ITB, 99 % des semences de betteraves sont traitées avec un dont la moitié avec de l’imidaclopride à 90 g/dose de semences et l’autre moitié avec 60 g/dose de thiamétoxame. Vincent Laudinat, directeur général de l’ITB, se dit très inquiet car, comme l’a montré l’Anses, il n’existe pas d’alternatives, qu’elles soient chimiques ou non chimiques, pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse virale de la betterave. « Dans la situation antérieure à 1992, avant l’arrivée des néonicotinoïdes, les planteurs de betteraves utilisaient des microgranulés aphicides appliqués au semis, désormais interdits, qu’ils devaient doubler avec des traitements en végétation associant des pyréthrinoïdes et des carbamates. Mais on sait que les pucerons verts sont résistants à ces deux familles d’insecticides à 80 % », explique-t-il. C’est pour cela que l’interprofession de la betterave à sucre AIBS a déposé auprès des ministères de l’Agriculture, de la Santé et de la transition Écologique, une demande de dérogation à l’interdiction des néonicotinoïdes prévue dans le cadre de la loi pour la reconquête de la biodiversité d’août 2016. Cette loi ouvre en effet la possibilité d’une dérogation jusqu’en juillet 2020.
La Belgique annonce des dérogations
La filière betterave française est aussi inquiète parce que certains pays européens vont défendre leur secteur betterave-sucre, créant des distorsions de concurrence. C’est le cas de la Belgique,
dont le ministre fédéral de l’Agriculture, Denis Ducarme, a annoncé dès le 27 avril que, malgré l’interdiction européenne, la Belgique autorisera l’utilisation des trois néonicotinoïdes pour le secteur betteravier et la chicorée grâce à des dérogations, qui sont prévues par la législation européenne. « Notre pays est le seul en Europe à être atteint dans la totalité de son territoire par la jaunisse, explique le ministre belge. La fin des néonicotinoïdes signifierait une perte de rendement de 40 % en betterave, et probablement le démantèlement de la filière ». En France, tout le territoire est potentiellement touché par la jaunisse, mais ce sont surtout les régions en bordure maritime Nord, avec un climat doux en hiver, qui sont les plus menacées. L’AIBS a souligné le 27 avril les « très graves conséquences économiques » de l’interdiction des néonicotinoïdes, chiffrées à 12 % de perte de rendement betteravier. « Avec cette interdiction, toutes les régions françaises risquent d’être touchées par la jaunisse virale, avec des pertes potentielles de rendement estimées à 12 % au niveau national, et pouvant aller jusqu’à 50 % dans certaines zones de climat océanique », selon un communiqué. L’interprofession rappelle que, selon l’Efsa, les néonicotinoïdes sur betterave ne présentent « pas de risque pour les pollinisateurs », et que, selon l’Anses, il n’existe « pas d’alternatives » contre les pucerons vecteurs de la jaunisse.