Après les débats passionnés qui ont ponctué les discussions sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate, les Etats membres ont finalement voté une réautorisation pour cinq ans. Cette décision aurait pu être un motif de soulagement pour les agriculteurs, si le président de la République n’avait pas, dans la foulée, réaffirmé sa décision de sortir du glyphosate en moins de trois ans.
« Le réalisme d’un certain nombre de pays européens fait que l’on colle beaucoup plus au temps scientifique », a jugé Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, à l’annonce de la décision de la Commission européenne suite au vote sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Le 27 novembre, 18 Etats membres ont en effet décidé de prolonger de cinq ans l’autorisation de mise en marché de cet herbicide, jugé non cancérigène par la majorité des agences sanitaires, mais classé comme cancérigène probable par le Centre international de recherche contre le cancer (Circ), lié à l’OMS. La Commission européenne, qui en juillet voulait initialement proposer un renouvellement pour dix ans, avait ensuite proposé cinq ans face à la réticence d’une trop grande majorité d’Etats membres, sans pour autant trouver d’accord sur cette proposition, le 9 novembre. 14 pays sur 28 avaient voté pour, mais sans atteindre la majorité qualifiée de 65 % de la population européenne. Cette fois, ce sont 18 pays, dont l’Allemagne, qui ont voté pour, un pays s’est abstenu. La France a, comme prévu, voté contre ce renouvellement.
Le Gouvernement persiste
Réagissant juste après l’annonce du vote, lors d’un déplacement dans la Marne, le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert a estimé que le renouvellement pour cinq ans « correspond[ait] au temps de la pratique agronomique nécessaire à la sortie du glyphosate », considérant que cette décision n’était pas un revers pour la France.
Néanmoins, restant sur la ligne du ministre de la Transition Ecologique, Nicolas Hulot, qui n’avait pas caché sa préférence pour une interdiction dans les trois ans, le président de la République a réaffirmé sa position en faveur d’une sortie plus rapide en France. « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans les trois ans », a-t-il déclaré sur son compte Twitter. Une prise de position qu’a regretté Christiane Lambert : « quand on aime l’Europe comme Emmanuel Macron, on en accepte les principes et les décisions même quand ils ne nous arrangent pas », a-t-elle commenté dans la soirée, également sur Twitter. « Ce temps politique est en décalage avec le temps de la recherche scientifique », déplore ainsi la FNSEA. Et ce, d’autant plus que les agriculteurs travaillent depuis plusieurs années à la recherche de solutions alternatives.
C’est d’ailleurs à l’invitation de la FNSEA que le ministre de l’Agriculture se trouvait, le même jour, en compagnie de Christiane Lambert sur une exploitation dédiée à la recherche agronomique, Terra Lab, dans la Marne. Pour l’instant, une interdiction brutale du glyphosate conduirait une majorité d’agriculteurs à revenir à des substances abandonnées il y a plusieurs années, car plus dangereuses et déversées à plus hautes doses pour un même résultat. Sans compter qu’une interdiction en France et non dans les autres pays de l’Union européenne reviendrait à créer une nouvelle distorsion de concurrence, renchérissant le coût de production des produits français vis-à-vis de ceux de leurs voisins européens utilisant du glyphosate, alors même qu’Emmanuel Macron avait promis de cesser les sur-transpositions de normes à la française.
La FNSEA regrette cette provocation et dénonce « l’acceptation de règles différentes pour ce que l’on produit et pour ce que l’on importe, car cela devient insupportable. » Le syndicat annonce d’ailleurs que, d’ici quelques jours, « l’ensemble des agriculteurs, toutes productions confondues, manifesteront sur tout le territoire pour mettre en avant ces contradictions, ces distorsions et au fond ces injustices qui touchent l’ensemble des agriculteurs. »